• Script de l'épisode :

     

    Pour aller plus loin :

    -WEEKS Jeffrey, Écrire l’histoire des sexualités, traduction dirigée par Françoise ORAZI, PUL, 2019, Lyon. 

     

    Sexualité : mise en valeur par Foucault puis Halperin, c’est un concept nouveau de revendication identitaire (i.e. une orientation sexuelle livrerait une “vérité” sur la personne). 

     

    Le problème d’une histoire écrite par les LBGT eux-mêmes est le manque de recul. Comme toujours, il y a dès lors le risque d’une histoire révisionniste sous le sceau de la victimisation, dû à la “gay shame”. (Ce rôle auto-décerné de victime a été mis en évidence notamment par Moore.) À côté, de la même manière que les féministes des premières vagues, le but était de s’opposer violemment au système alors en place afin de provoquer la prise de conscience. La conséquence, comme l’écrit Munoz en 2009 c’est que “être ordinaire et être marié sont 2 souhaits anti-utopiques”. Ce qui n’est plus vraiment l’opinion actuelle de la majorité des personnes concernées et renvoie à une histoire qui serait désormais “périmée”. 

     

    À propos des Grecs : 

    Il faut bien prendre conscience que l’on travaille en majorité - et à 100% lorsqu’il s’agit d’oeuvres d’art - sur des auto-représentations. Le grec se donne toujours à voir, à ses voisins, à ses ennemis, à ses esclaves... et surtout à lui-même : les coupes à dessins homoérotiques sont fréquemment utilisées dans les symposia. Ces dessins représentent le Grec tel qu’il veut se voir, tel qu’il veut qu’on le voit. 

    Au niveau de leur sexualité, les Grecs sont davantage intéressés par la pulsion que l’objet et le degré de “pureté” ou de “valeur” de l’amour considéré est donné par l’origine de cette pulsion/élan. Donc, de la même façon qu’un homme riche est supérieur à un homme pauvre en terme de “noblesse”, l’amour entre deux hommes n’est pas du tout comparable à l’amour entre deux femmes ; il lui est supérieur puisque les hommes sont supérieurs aux femmes. 

    Enfin, les Grecs discutent de goûts et non d’identité et ce qu’ils jugent anormal, c’est de se fixer définitivement sur un goût. Il n’y a pas d’hétérosexuel-le-s ou d’homosexuel-le-s en Grèce antique parce que ce serait se fixer sur un goût ce qui est, eh bien, de très mauvais goût ! 

      

     


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    Annexe : La place de la Mort dans l’œuvre de Mourlevat

     

    Cette (courte) réflexion s'appuiera uniquement sur les ouvrages suivants : le Chagrin du Roi Mort, le Combat d'Hiver, Terrienne et Silhouette. Attention au spoil ! (Je pars du principe que vous les avez tous lus ou que vous êtes immunisés)

     

    Morts évoqués :

    Milos (Le Combat d'Hiver)

    le roi Holund ; la sorcière Brit (Le Chagrin du Roi Mort)

    Etienne Virgil, l'ami de Bran (Terrienne)

     

    C'est un de mes souvenirs de lecture les plus intense : la mort de Milos, si subite, si cruelle, que j'éclate en sanglots silencieux et que je suis obligée de fuir du salon familial, le visage dans le livre pour que personne ne me voit pleurer... Et cette question, surtout : pourquoi ? Ils avaient réussi, ils étaient vainqueurs, libres ! Alors pourquoi ce gladiateur a-t-il tué Milos ? Pourquoi les autres, à cause de la foule, sont-ils arrivés trop tard ? Par-delà la rancune que je pouvais éprouver, moi, lectrice, envers l'auteur qui avait été si cruel, impitoyable envers son pauvre personnage, il y avait la question du : qu'est-ce que ça apporte à l'histoire ?

    En se penchant vers les différents ouvrages de Mourlevat, on retrouve cette fragilité de la vie humaine bien sûr, comme dans beaucoup de romans de jeunesse qui ont eu une certaine visée initiatique ; c'est le mentor qui doit mourir pour que l'apprenti apprenne enfin ou c'est l'ami qui doit disparaître pour faire comprendre la brièveté de la vie, le prix de l'instant présent, l'inutilité des regrets. C'est la mort de Jilano, de Nillem, de Rafi si l'on se tourne du côté de Pierre Bottero, que j'ai déjà cité dans la vidéo. C'est un leitmotiv chez les écrivains : ne tue pas ton personnage si c'est juste pour faire dans le drama.

    En y regardant de plus près, il me semble que Mourlevat met en scène deux sortes de morts : celle qui est le point de bascule dans le malheur et celle qui atténue la victoire voire la remet en question. Dans la nouvelle “Les jolies nuages” de Silhouette, le mari de l'héroïne meurt presque juste après la présentation de celle-ci. Le propos de la nouvelle ne démarre véritablement qu'à partir de ce moment-là. C'est la disparition de son mari qui pousse l'héroïne à se tourner vers autre chose ; elle découvre la poésie qui fait d'abord son bonheur, mais sera ensuite source de son plus grand regret. Dans Terrienne, c'est d'abord la disparition de sa sœur qui pousse l'héroïne à se mettre en route. Ensuite, Virgil, alors qu'ils ne se connaissaient fondamentalement pas depuis très longtemps ; c'est en le voyant mourir que Anna réalise le danger de cet autre monde.* Dans le Chagrin du Roi Mort, c'est le vieux roi Holund qui, revenant brièvement chez les vivants, fait entendre sa terrible prophétie. Bien qu'on n'y reviendra pas ensuite, cette mort déclenche la séparation des deux garçons, ou, du moins, l'annonce, et cette prophétie devient comme la mort du vieux roi : inéluctable. La mort de la sorcière Brit, elle aussi se passant dans la première partie du livre, a aussi cette tonalité d'inévitable ; bien plus, le roi comme la sorcière étaient vieux, faisaient partie du passé : leur mort fait couper les liens avec le passé. Mourlevat qui ne donne aucun indice sur le monde dans lequel se déroule cette tragédie oblige à ne pas s'attarder sur son histoire. Point de regret, il faut avancer.

     

    *En réalité, dans ce bref passage, on peut voir déjà un parcours initiatique : quand dans le train, un passager s'abandonne à l'ennui (ce qui doit le conduire à la mort), Anna fait tout pour le ranimer, lui redonner de l'intérêt à la vie. Elle s'accroche et Virgil est obligé de la tirer. Finalement, elle ne verra pas la mort de cet homme. Sauf que plus tard, elle voit à travers la fenêtre, la chute puis la mort de Virgil et cette fois-ci, elle ne s'accroche pas. La mort de Virgil est d'autant plus brutale pour le lecteur qu'il n'y a pas le moindre doute, pas le moindre faux-espoir cultivé par Anna.

     

    Ensuite, on a l'autre type de mort : celle qui arrive aussi sur une crête, un fil d'équilibriste, celle sur laquelle on se balance, cette fois-ci, non plus entre une enfance, un passé tranquille et un futur fuligineux voire douloureux, mais bien le contraire, entre les épreuves et le dénouement, le retour à la tranquillité. Oui, on “gagne” à la fin et c'est quand ce sentiment commence à apparaître que la mort frappe. C'est quand on libère l'arène juste avant le combat mortel de Milos, mais qu'il meurt quand même, victime de la folie d'un autre gladiateur. C'est quand on a retrouvé Gabrielle, la sœur d'Anna, que Bran tranche enfin dans son dilemme existentiel, mais que son ami part en fumée dans les fours crématoires dévolues aux personnes qui se sont ennuyés de la vie. C'est peut-être aussi la mort de Maxime Dieuze (dans la nouvelle “L'accord du participe”) et de l'oncle Chris (“Mon oncle Chris”) qui tous deux, étaient sur le point de changer, de renouer peut-être avec la société.

     

    Le premier type de morts ou les morts premiers est facilement compréhensible : il fait prendre conscience au lecteur que la vie n'est pas un jeu, qu'elle est fragile. Il attire son attention sur le fait que la suite va être pathétique, terrible. Ces morts-là sonnent comme un avertissement. C'est le moment de reposer le livre ou de prendre son courage à deux mains en disant “je suis prêt, allons jusqu'au bout”.

    Mais que penser du deuxième type de morts, ou les morts deuxièmes, hors d'une volonté de pathos en soi ? La mort de l'ami de Bran (dont je ne me rappelle toujours pas le nom) lui permet de couper définitivement tout lien avec cet autre monde ; c'est bien une mort dans un but initiatique, souligné par la description (la fumée semble prendre la forme de son ami et lui sourire en lui disant au revoir). La mort de Milos ne profite à aucun personnage et lui-même s'était battu jusqu'au bout. La mort de Maxime et de Chris a la même saveur. On passe du “oh non le pauvre” au “à quoi ça sert ?”. Et en effet, à quoi servent narrativement ces morts puisqu'on n'en retire que de la frustration ? Mais peut-être est-ce là la réponse ; les morts premiers pousse à la réaction, on veut venger Virgil, on veut venger Brit, c'est en leur souvenir qu'on va toujours plus de l'avant. Les morts deuxièmes forcent au calme car il n'y a plus rien à faire : Bran ne peut venger son ami puisqu'il a décidé qu'il partait de ce monde parallèle. Le combat s'est achevé et le printemps est de retour : ces morts sont frustrantes car, le roman s'achevant, il faut faire son deuil en quelques pages. La réponse du “pourquoi ?” est là : ça ne sert à rien de s'appesantir sur le regret, ça ne sert à rien de vouloir se venger (en pratique ou métaphoriquement bien entendu). Par ces morts deuxièmes, Mourlevat s'adresse directement à son lecteur : c'est une invitation à réfléchir sur le sens de la vie (et donc de la mort), non dans une perspective guerrière, mais dans une perspective de paix. Le parcours initiatique d'un personnage n'a de sens que s'il trouve écho chez le lecteur. Mourlevat ne cherche pas le pathétique comme finalité, mais comme moyen, tout comme Bottero : elle pousse le lecteur à se demander ce qui lui importe lui plus : d'avoir libéré l'arène et renversé le pouvoir ou bien d'être encore en vie ?

     

    (N.B. : Je ne nie pas l'importance qu'a la rébellion, la réaction par rapport à une attitude qui serait passive, dans l’œuvre de Mourlevat. Mais cette réflexion portait sur l'importance de la mort qui, selon moi, dans sa forme de morts deuxièmes, appelle à la paix davantage qu'au conflit.)


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  •  (Cet article fait suite à la vidéo du même nom sur ma chaîne Youtube)

     

     Voici les notes que j'ai pu prendre durant l'élaboration de cet épisode sur l'écriture inclusive.

     Sources : (aka tout ce que j'ai lu/vu avant de me lancer)

    - Linguisticae (mon maître) : https://www.youtube.com/watch?v=Aq2XboD-q_U

    - But : C'est quoi l'écriture inclusive ? https://www.youtube.com/watch?v=n2ORvgdnO68

    - Chronique Politique* : Démontons les arguments pro-écriture inclusive (sur le féminisme radical et le structuralisme https://www.youtube.com/watch?v=n0R89BNuCfY

    - Débat sur BFM : https://www.youtube.com/watch?v=q2M7zoNyRgM

    Autres articles sur l'écriture inclusive :

    - https://theconversation.com/debat-lecriture-inclusive-un-peril-mortel-vraiment-86522

    - http://www.leparisien.fr/societe/ecriture-inclusive-la-langue-integrait-davantage-les-femmes-il-y-a-400-ans-09-11-2017-7383555.php

    - http://www.europe1.fr/societe/mais-au-fait-cest-quoi-lecriture-inclusive-3476522

    - Guide pratique pour une communication publique sans stéréotypes de sexe : http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_pour_une_communication_publique_sans_stereotype_de_sexe_vf_2016_11_02.compressed.pdf

    - Pour télécharger le manuel d'écriture inclusive : http://www.ecriture-inclusive.fr/ (beaucoup de choses sont en commun avec le guide pratique ci-dessus)

    Ouvrage phare pour la compréhension des revendications idéologiques :

    - Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin d’Éliane Viennot

    *Quand je disais que quiconque prend la parole sur cette question le fait en raison de ses propres convictions...

     

    Les définitions que j'ai pu comprendre :

    (N.B. : Aucun des médias que je liste ci-dessous n'est donc parfaitement neutre.)

    Mots-Clés : “L’écriture inclusive désigne l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques qui permettent d’assurer une égalité de représentations des deux sexes.”

    Theconversation.com : parle de “la simple adoption de nouvelles conventions graphiques” et donne pour définition : “L’écriture inclusive – ou langage épicène – vise à rendre les langues neutres du point de vue du genre, et ainsi à aider les femmes à se sentir davantage concernées et impliquées dans la communication écrite. Comme pour la féminisation des noms de métiers (écrivaine, députée, etc.), il s’agit de mettre à contribution la morphologie flexionnelle telle qu’on l’écrit, dans le but d’améliorer la visibilité des femmes dans la vie publique et de rééquilibrer leur position dans la société.”

    Brut : Féminiser les noms de métier ; le masculin ne doit plus l'emporter sur le féminin... au profit de l'accord de proximité ; écriture trop compliquée. => Brut semble s'en tenir à l'aspect du point milieu qui fait de l'écriture inclusive, une écriture trop compliquée ; mais l'écriture inclusive est beaucoup plus que ça (n'est-il pas plus facile pour un enfant d'inventer càd trouver les noms féminins des métiers plutôt que d'apprendre lesquels ne possèdent pas de féminin ?)

    Raphaël Enthoven : l'écriture inclu fait du novlangue et lave les consciences ; c'est du négationnisme envers l'histoire du langage => Bien que ridiculisé par certain(e)s, Enthoven a une pensée cohérente qui vaut la peine d'être creusée. Pour ma part, sa trop grande comparaison avec 1984 me pose pourtant un sacré problème ; dans 1984 d'Orwell, le novlangue est instauré par une institution d'État (comme l'est l'Académie Française...) et ne vient donc pas des réclamations du peuple (les féministes et autres professeures de français à l'origine de cette réforme ne représentent sûrement pas le peuple entier, mais ne font pas partie pour autant des institutions d'État). Est-ce pour autant qu'on évite un “façonnage des consciences” ?

    La chronique politique : le langage n'influe pas sur le politique ni sur l'égalité effective des sexes ; tout cela vient en fait d'une pensée structuraliste => Il est surtout vain (et puérile) de s'attaquer ainsi à une manière d'écrire un langage qui, par définition, n'est propre qu'à ceux qui le parlent et ne demandent donc de compte à personne. En ce qui concerne le fait que le langage puisse modeler/imposer la façon dont on perçoit le monde, il y a une théorie, c'est celle de Sapir-Whorf (NativLang – en anglais – en parle dans deux de ses vidéos : sur les langages européens et sur le temps chez les Hopi). Je reviendrai sûrement sur cette théorie (dès que je l'aurai potassée) parce que là est le vrai problème et des deux côtés : les “contre” crient à la novlangue et l'autoritarisme et les “pour” clament que cette réforme mettra les femmes dans les consciences. Il me semble que c'est un poil (un tout petit poil, n'est-ce pas très chers) trop exagéré. Dans les deux cas.

     

    L'écriture inclusive en 3 grands points : résumé peut-être plus clair de la vidéo, à partir des extraits du guide pratique et du manuel 'écriture inclusive

     

    L'application pratique de l'écriture inclusive :

     

    • Accorder en genre les noms de fonctions, grades, métiers et titres

     

    => Maître – maîtresse, préfet – préfète

     

    Raison : Reconnaître aux femmes qu'elles ne font pas un "boulot d'homme", mais juste un "boulot".

     

    • User du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et à toutes que ce soit par l'énumération par ordre alphabétique, l'usage d'un point milieu, ou le recours aux termes épicènes

     

    Ordre alphabétique :

     

    => Ex : égalité femmes-hommes, les lycéennes et les lycéens, les sénateurs et les sénatrices.

     

    Raison : Pour varier afin de ne pas systématiquement mettre le masculin en premier, par habitude, ou en second, par « galanterie ».

     

    Usage d'un point milieu ou médian 

     

    => Ex : les député·e·s

     

    Raison : Le point milieu "est celui qui, d’un point de vue sémiotique, nous semble être le plus approprié. Le point milieu nous semble ainsi préférable aux parenthèses (qui, en usage, indiquent un propos secondaire), à la barre oblique (qui connote une division), à l’E majuscule (qui peut être interprété comme une considération différente entre féminin et masculin). Le point milieu nous semble aussi préférable au point final, qui constitue un signe de ponctuation dont les usages, y compris sur un plan grammatical, sont très largement stabilisés. Le point milieu est enfin préféré aux tirets – quelles que soient leurs formes et leurs tailles d’ailleurs –, qui font parfois office de quasi-parenthèses ou servent à introduire des répliques de dialogue."

     

    -> "À la différence de l’ensemble de ces signes, le point milieu a le mérite de ne connaître aucun usage hérité et encore en vigueur4 (il semble avoir été progressivement remplacé par l’espace dès l’Antiquité jusqu’à disparaître totalement il y a déjà plusieurs siècles). Le point milieu permet en ce sens d’affirmer sa fonction singulière d’un point de vue sémiotique et par là d’investir « frontalement » l’enjeu discursif et social de l’égalité femmes · hommes. Le point milieu n’étant pas encore disponible sur tous les logiciels de traitement de texte, alors on utilisera en attendant qu’il se généralise et faute de mieux, le point final, dans les cas où le point milieu n’est pas disponible."

     

    Note de votre dévouée servante : Pourquoi ".drice" pour ambassadrice ? Parce que c'est la question d'une désinence qui changerait par rapport à un radical qui lui ne changerait pas. Les latinistes savent bien de quoi je parle : pour donner un verbe on dira "amo, as, are, avi, atum" : le parfait de ce verbe n'est pas "avi", mais bien "amavi" : le radical qui ne change pas n'est donc pas répété. Et je n'ai pas souvenir de réforme pour obliger les élèves à bien dire "amo, amas, amare, amavi, amatum" : ça n'apporte rien de plus comme information et c'est long !

     

    Termes épicènes

     

    => Ex : artiste

     

    Raison : C'est plus court et ça inclue les deux.

     

    • Eliminer toutes expressions sexistes ou les antonomases "Femme"

     

    => Ex : Ne plus employer les antonomases du nom commun "Femme" et "Homme"

     

    Raison : -> "Les antonomases du nom commun désignent tous les noms communs introduits à l’écrit par une majuscule de déférence. Parmi les plus courantes, les formes « État » ou « Homme » : caractérisées par une majuscule, ces antonomases servent à doter ces termes du prestige de l’institutionnalisation. De ce point de vue, la graphie « Homme » est problématique, car « Homme » est souvent utilisé comme un masculin générique, par exemple dans l’expression « Droits de l’Homme »."

     

    Raison 2 : -> "Il est important de dissocier « la Femme » (le fantasme, le mythe, qui correspondent à des images stéréotypées et réductrices telles que la figure de « l’Arabe » ou « du Juif ») et « les femmes », qui sont des personnes réelles, aux identités plurielles, et représentatives d’un groupe hétérogène. « La Femme » est une représentation mentale produite par la société : l’expression suggère que toutes les femmes partagent nécessairement des qualités propres à leur sexe (douceur, dévouement, charme, maternité…).

    Or, dans la réalité, les femmes se distinguent par la pluralité de personnalités, de leurs goûts, de leurs couleurs de peau, de leurs activités professionnelles, dépassant largement les représentations que la société leur impose."

     

    "De la même manière : parler de « femmes entrepreneures » ou de « création d’entreprises par des femmes » plutôt que d’entreprenariat au féminin »."

     

    Soit : Parler "des femmes" plutôt que "de la femme" et des "droits humains" plutôt que des "droits de l'homme"

     

    => Ex 2 : Suppression du terme Mademoiselle (+ 'Mademoiselle', 'nom de jeune fille', 'nom patronymique', 'nom d'épouse' et 'nom d'époux')

     

    Note de votre dévouée servante : Si débat idéologique et linguistique il doit y avoir, alors il doit se concentrer sur ce dernier point. N'oublions pas que si le mot "homme" en français est le pendant de "femme", il dérive du latin homo qui signifie l'humain, à opposer à vir qui est l'humain avec un pénis (définition bien trop imparfaite, mais bref, si vous avez compris l'idée). Autrement dit, il n'est pas faux, étymologiquement parlant, de vouloir dire "l'Homme" pour dire "l'humanité". C'est faux si on considère le sens moderne et donc le débat : doit-on continuer de traîner ces "vieux" sens ?

     

    Ce que je n'ai guère pu développer dans la vidéo

     

    Les arguments contre :

     

    • « Le masculin est aussi le marqueur du neutre. Il représente les femmes et les hommes » = La question du neutre

     

    En français, le neutre n’existe pas : un mot est soit masculin, soit féminin. D’ailleurs, l’usage du masculin n’est pas perçu de manière neutre en dépit du fait que ce soit son intention apparente, car il active moins de représentations de femmes auprès des personnes interpellées qu’un générique épicène. C’est un usage tellement courant que nous l’avons largement intériorisé. Cette problématique pourrait être mise en parallèle avec l’histoire du suffrage universel : le masculin n’est pas plus neutre que le suffrage n’a été universel en France jusqu’en 1944.

     

    Mon avis : Latinophile, j'aurais eu tendance à dire que le neutre s'étant fondu dans le masculin, il n'en reste pas moins là, quelque part. (Pour ceux intéressés, le Tatou avait fait une vidéo sur le genre des noms, plutôt intéressante du reste : https://www.youtube.com/watch?v=FlyEqGWVOfw)

     

    • « “Écrivaine”, “pompière”, ce n’est pas beau ! » = Les néologismes moches

     

    Là encore, le fait de systématiser l’usage du féminin est d’abord une question d’habitude.

     

    Les noms de métiers au féminin « dérangent », car ils traduisent le fait que des terrains initialement conçus comme propres aux hommes sont progressivement investis par des femmes.

     

    Mon avis : C'est surtout ce débat éternel des néologismes ! Je crois que c'est parce qu'il va falloir inventer des mots nouveaux que ça dérange. Mais inventer un mot, est-ce faire courir à la langue "un péril mortel" ? Quid des mots "ordinateur" "avion" "télévision" et j'en passe ? Pour moi, l'important est justement de continuer à les inventer, c'est ça qui rend une langue vivante. Ainsi, préférer "télécharger" et "téléverser" à "uploader" ou "downloader" qui sont des mots étrangers qu'on s'est contenté de franciser. Emprunter permet aussi de rendre une langue vivante, mais pourquoi se passer du plaisir de l'invention ?

     

    • « Cela encombre le texte » = La clarté visuelle du texte

     

    Manuel : Non, les femmes « n’encombrent » pas un texte. Par ailleurs, plusieurs mois d’usage nous ont montré que l’oeil s’y habituait très vite et qu’un certain nombre d’automatismes survenaient très facilement à l’écrit.

     

    Guide pratique : Au contraire, l’usage du féminin clarifie un texte puisqu’il permet de comprendre qu’on y évoque aussi des femmes ; cela évite au contraire d’avoir à le préciser de manière explicite. D’autre part, la réintroduction des termes féminins raccourcit les énoncés : « femme auteur », « femme ingénieur », « femme poète » sont des périphrases qui prennent plus de place qu’« auteure », « ingénieure », « poétesse »…

     

    Mon avis : "Les femmes n'encombrent pas un texte" n'est PAS un argument. C'est de l'idéologie ou de la politique, comme vous voulez. Le manuel, sur ce point-là, verse donc trop dans l'idéologie et néglige le vrai problème de clarté pour les débutants de la lecture en langue française. Il vaudrait mieux privilégier une notation en toutes lettres ("les agriculteurs et les agricultrices") avant d'expliquer comment, par le biais d'un signe de ponctuation, il est possible de raccourcir la formule ("les agriculteur.rice.s"). Ainsi, je serais plutôt contre un manuel de primaire "en écriture inclusive" : utiliser le langage inclusive (càd en mettant bien les deux formes etc) oui, mais pourquoi mettre ce signe de ponctuation avec l'usage duquel nous ne sommes pas encore très familiers ? Après, plus on apprend tôt, plus facilement on se dépatouille avec plus tard.

     

    • " Mais dans les autres langues (ex japonais, turc) y'a pas de genre ! " = Le rapport aux autres langues

     

    Mon avis : Faux-argument, car ce ne sont pas sur les autres qu'il faut se concentrer, mais sur nous-mêmes. Au temps de l'Académie, la "langue française" s'est vue imposer des règles et une masculinisation consciente. Elle a été consacrée par l'écrit alors appartenant à une élite. Désormais que l'écrit s'est démocratisé et que nous pouvons prendre conscience de ce fait, il est à nous demander si nous voulons continuer d'user de cette langue artificielle ou, au contraire, renouer avec un langage qui était à l'époque où cette masculinisation s'est faite, plus populaire. Évidemment, un tel discours porte à polémique, mais il faut bien l'exagération pour mieux comprendre la conclusion : si on veut une langue vivante, il faut la garder vivante et donc tenter des choses ! De toute façon, l'avenir sera un impitoyable juge ; quels risques avons-nous donc ?

     

    Il est vrai que l'accord de proximité (que je kiffe comme principe) n'était pas usage courant, mais il était employé par quelques écrivain(e)s. Or les écrivain.e.s s'amusent des normes et iels la créent aussi, soit en décidant de la suivre, soit en allant à contre-courant. Quelque soit l'option choisie, iels créent de la diversité. Les normes figées et indiscutables ne sont bonnes que pour les langues mortes ! (et encore, au vu de comment on galère à faire une grammaire de latin qui n'ait pas trop d'exceptions)

     

    Sur la raison historique :

     

    "En 1647, douze ans après la création de l’Académie Française, l’un de ses membres, Claude FAVRE DE VAUGELAS, préconise que le masculin doit l’emporter en grammaire au motif que « le masculin est plus noble que le féminin ». Un siècle plus tard, le professeur Nicolas BEAUZEE justifie que, selon lui, « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle »."

     

    • " Mais pourquoi maintenant ? C'est encore du post-féminisme !" = Le rapport au temps présent

     

    "La requête des dames à l’Assemblée nationale, projet de décret (1792) : « Le genre masculin ne sera plus regardé, même dans la grammaire, comme le genre le plus noble, attendu que tous les genres, tous les sexes et tous les êtres doivent être et sont également nobles »."

     

    Mon avis : Oui et alors ? Une langue se crée constamment, c'est donc autant hier, qu'aujourd'hui et que demain qu'il faut la faire évoluer pour qu'elle soit l'instrument de communication qui nous corresponde !

     

    Enfin :

     

    "Privilégier l’expression « user du féminin » plutôt que «féminiser» la langue ou le langage, car le genre grammatical féminin existe déjà : il est simplement peu, ou plus usité. Le fait d’utiliser un verbe d’action comme «féminiser» sous-entend à tort que l’on transformerait la langue."

    Mon avis : Je suis plutôt d'accord.

     

    Le mot de la fin :

    Laissons à celui de qui nous tirons le génitif de notre langue, le fin mot de l'histoire, sur ce débat, comme sur la question des normes qui nous viennent de Vaugelas :

     

    "Elle a, d'une insolence à nulle autre pareille,

    Après trente leçons, insulté mon oreille

    Par l'impropriété d'un mot sauvage et bas

    Qu'en termes décisifs condamne Vaugelas. "

     


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